15.10.14

IRM I - des bananes et des picards (ou principes fondamentaux de l'IRM)


une série de billets pour comprendre simplement l'IRM





Nous sommes dans la tête d’un médecin normal. Un peu partout sur le bureau virtuel de sa session mentale s’empilent des dossiers, des sous dossiers, des sous sous dossiers, avec des raccourcis vers des documents, des schémas, des protocoles, des bonnes adresses de confrères, des post-it de toutes les couleurs avec le mot « urgent » écrit en gros, lui-même à moitié caché par un autre encore plus urgent… bref, c’est un chaos total duquel émerge miraculeusement une activité organisée ! C’est la magie des fractales.

Et comme le médecin normal a une pensée qui tourne sous un système d’exploitation ancien, mais robuste, il dispose d’autres bureaux virtuels. Il y a le bureau famille avec en fond d’écran les enfants (ou le chien), le bureau potes avec une photo de dégustation de bières etc… Et puis il y a un autre bureau… loin dans les raccourcis. Il ne porte aucune photo, aucun signe distinctif. Il est gris. Dessus, en plein milieu, plusieurs dossiers, bien alignés, portent des abréviations ésotériques. C’est le bureau virtuel des connaissances traumatisantes. Le médecin normal n’y va jamais, c’est une épreuve trop difficile. Sur la dernière ligne de dossiers, un seul n’a pas de nom. Dedans se terre l’équivalent d’un croc humide et glacial d’Alien dans le cou de la raison, quelque chose de si effrayant, que sa simple lecture peut provoquer un reboot instantané de la session mentale de notre médecin (une crise d’épilepsie pour le dire plus simplement). Cette information infernale, cette horreur sans nom, c’est le mode de fonctionnement des IRM [……………..][bienvenue][veuillez patienter][ouverture de session en cours], me revoilà, désolé, j’avais oublié de me protéger et j’ai planté.

Il est temps d’affronter nos peurs, je vous propose donc de voir ce que l’IRM peut apporter en neuro, et pour cela voir un peu comment ça marche, à l’aide d’explications si simplifiées qu’elles en deviennent fausses, mais comme nous ne sommes pas physiciens, ça n’a aucune importance ; l’important c’est de comprendre ce que vous voyez et lisez quand le radiologique vous parle de T1 T2 diff, flair, T2, écho de gradient, ADC, inversion, récupération, youpala et parmesan.

Dans l’ordre, reprenons un peu le « comment ça marche une IRM » puis les séquences de bases puis pour la forme un peu d’ésotérisme avec des trucs que seuls les radiologues comprennent (et encore…)


1| Comment ça marche ?

Dans la nature, nous sommes soumis à plein de forces. Rien à voir avec StarWars, mais avec le mot force, c’est à dire quelque chose qui vous contraint d’aller ou de faire quelque chose contre votre gré.

Si vous êtes une pomme, quelque chose vous attire vers en permanence vers le sol, et lorsque la force qui vous retient à la branche n’est plus suffisante, cette force qui vous attire vers le bas l’emporte et vous tombez sur la tête de Newton. Cette force c’est la gravité. La zone de l’espace autour de la terre où s’exerce cette gravité se nomme champ gravitationnel terrestre. Si vous montez en altitude (très très haut), cette force diminue. Si la terre était seule dans l’univers, plus vous monteriez haut, plus cette force diminuerait en intensité, mais elle ne serait jamais nulle. Mais nous ne sommes pas seuls. En tout cas la terre ne l’est pas. Si vous montez très très haut en direction de la lune, arrive un moment où le champ gravitationnel de Lune annule la force que le champ gravitationnel terrestre exerce sur vous, et vous vous retrouvez dans une apesanteur complète. Si vous continuez de monter vers la lune (et par conséquent descendez vers la lune), la force que le champ gravitationnel lunaire va exercer sur vous sera plus importante que celle exercée par le champ gravitationnel terrestre, et vous aller tomber sur la lune. En physique, une force exercée par un champ gravitationnel est noté F (avec pour les puriste une flèche par-dessus pour préciser que c’est un vecteur). Et cette force F se mesure en newtons (dont le symbole est N et se définit par la force capable de communiquer à une masse de 1 kilogramme une accélération de 1 mètre par seconde).

Résumons-nous pour ceux qui ont déjà du mal : quelque chose qui vous contraint à faire quelque chose se nomme une force. Cette force s’exerce dans un volume qui se nomme un champ. Cette force se note avec une lettre et son intensité se mesure avec une unité.

Pour faire encore plus simple, si vous restez poli avec madame Michu qui a 45 ans et qui vous prend la tête, c’est à cause de la force qu’exerce la société sur vous ; force que l’on pourrait noter P (pour politesse), mesurée en unité p (pour patience). Cette force P s’exerce sur vous tant que vous êtes dans le champ de la société humaine, ce qui veut dire que seul dans le désert avec madame Michu, cette force disparaitrait, et vous pourriez lui coller une baffe.

Revenons à nos moutons. Il s’exerce tout un tas d’autres forces dans la nature… enfin pas tant que ça. En fait il n’y a que quatre forces dans l’univers. La gravitation, on vient de le voir, s’exerce sur tout ce qui a une masse. Les trois autres sont plus compliquées à appréhender. La force nucléaire forte c’est ce qui permet aux constituants des atomes de tenir les uns aux autres. Comme son nom l’indique c’est la force la plus forte, mais elle s’exerce sur une distance si ridiculement courte (10-13 cm) qu’à notre échelle on s’en tape. La force nucléaire faible, c’est un truc indescriptible pour les non physiciens et qui permet aux neutrons de devenir des protons (ça vous parle je n’en doute pas). Et enfin il y à la force électromagnétique.

Vous remarquerez qu’on parle de force électro + magnétique et non pas de force électrique ou de force magnétique parce que les deux sont intiment liées. Pour ce qui nous intéresse (mais si, vous allez voir), il suffit de savoir que tout courant électrique engendre un champ magnétique et que tout champ magnétique peut engendrer un courant électrique dans un matériau conducteur.

Et là vous n’avez rien vu, mais je viens de vous parler de champ magnétique sans que vous n’ayez eu mal. Comme pour la gravitation qui est une force F qui s’exerce dans un champ gravitationnel et qui se mesure en newton, la force « magnétique » s’exerce dans un champ électromagnétique et se mesure en Tesla.

Cette force, ou flux d’induction magnétique se note phi Φ. Elle s’exerce dans un champ magnétique noté B.

Alors les plus perfectionnistes se demandent déjà pour B ? Non c’est vrai quoi ! Des gens aussi supérieurement intelligent que les physiciens fondamentaux doivent avoir une raison d’une logique inhumaine pour utiliser la lettre B plutôt que M pour magnétique comme l’auraient fait la plupart des débiles que nous sommes. Et bien pas du tout ! B vient du fait qu’un des théoriciens du magnétisme, James Clerk Maxwell, avait l’habitude de noter les composantes du champ magnétique avec les lettres B, C et D et celle du champ électrique avec les lettres E, F et G. Les radiologues ont donc de la chance, si Maxwell avait était fructophile et utilisé « banane », « pastèque » et « framboise » pour ses équations, ils auraient étaient obligé de dire que leur gros aimant génère une banane dans l’IRM.

Donc pour se résumer, il existe une force dite magnétique Φ, qui ne s’exerce que sur les particules chargées, qui existe au sein d’un volume (ou champs magnétique) B et qui se mesure en Teslas.

Pour le newton, je vous ai dit que c’est la force capable de communiquer à une masse de 1 kilogramme une accélération de 1 mètre par seconde).

Pour le tesla, c’est beaucoup plus compliqué et en pratique relativement inutile pour nous.

Pour la gravité, je vous ai également dit que plus vous vous éloignez de la terre, plus cette force diminue et que plusieurs force peuvent être en concurrence (terre et lune).

Pour le magnétisme, c’est pareil ! Une particule chargée peut être sous l’emprise d’une force magnétique induite par un premier aimant, et se retrouver soumise à une deuxième force induite par un deuxième aimant.

Dernier point de physique fondamentale (pour nous, parce que pour les physiciens, tout ça c’est du niveau des télétubbies), qu’est-ce qu’un aimant ? Un aimant c’est quelque chose qui crée un champ magnétique ! (oui je sais mon humour n’amuse que moi).

Plus généralement, un aimant peut être un solide (par exemple les pierres aimantées naturelles ou les aimants solides que vous achetez pour décorer de façon assez personnelle vos frigos, sous le nom de magnets)

Un aimant peut être aussi un simple fil électrique traversé par un courant électrique. L’avantage du second est qu’il permet d’avoir un champ magnétique exerçant une force magnétique, dans la direction que vous voulez, avec l’intensité que vous voulez (enfin, tout dépend de la quantité d’électricité dont vous disposez) et pendant la durée que vous souhaitez.

Enfin, en exagérant un peu, une simple particule chargée électriquement et qui bouge peut être considérée comme un petit aimant. Cette approximation est fondamentale, vous verrez ensuite pourquoi.

Et quand un aimant, ou quand une particule chargée se retrouve dans un champ magnétique B, dans quelle direction s’exerce la force Φ ? La question peut paraitre bizarre ! Avec la gravité vous ne vous posez pas cette question ! La gravité c’est facile, elle s’exerce toujours de la même manière : vers le bas ! En fait elle s’exerce vers la source de gravité.

Pour le magnétisme c’est un tantinet diffèrent ! Et pour bien comprendre, et pour vous montrer que vous n’avez aucune excuse pour ne pas comprendre, faisons la connaissance de Pierre de Maricourt ou Pierre le pèlerin, né au XIII éme siècle, et mort après 1269. Un gars du moyen-âge. Qui vivait en Picardie. Je ne sais pas si vous, vous avez des clichés, mais pour moi, la Picardie au moyen-âge, ce n’est pas exactement l’idée que je me fais d’une silicon valley à la française. Et pourtant, Petrus Peregrinus (en latin tout de suite ça fait classe) a écrit un livre : Epistola Petri Peregrini de Maricourt ad Sygerum de Foucaucourt, militem, de magnete (ou lettre de Pierre, pèlerin, à Sygerum, soldat, au sujet des aimants). Et dans ce livre, Pierre, qui avait visiblement une vie passionnante dans la campagne Picarde, découvre que quand on jette de la limaille de fer sur une feuille posée au-dessus d’un aimant, ne s’agglutine pas au centre, mais suit des lignes concentriques reliant les deux pôles de l’aimant. Ses études montrent aussi qu’une aiguille, placée parallèlement près d’un aimant, s’aligne sur cet aimant plutôt que de pointer dessus.

Donc, contrairement à la gravité, dans un champs magnétique B, la force Φ qui s’exerce sur une particule chargée, ne s’oriente pas vers le centre de l’aimant, mais s’oriente sur des lignes de champ magnétiques issues des pôles de l’aimant et rejoignant le pôle opposé. C’est le principe de la boussole ! L’aiguille ne pointe pas le centre de l’aimant (la terre) mais les pôles, en s’alignant sur une trajectoire nord sud.

Si vous avez survécu jusqu’ici, BRAVO !

Résumons-nous :
  • Dans la nature quelque chose qui vous contraint à faire quelque chose se nomme une force.
  • Une force s’exerce sur un objet dans un volume, avec une intensité et une direction et se mesure avec une unité.
  • Il existe quatre force physiques dans l’univers dont l’une se nomme force électromagnétique.
  • Cette force électromagnétique a une composante purement magnétique.
  • Cette force purement magnétique s’exerce sur les objets qui ont une charge.
  • Cette force se nomme Φ, elle s’exerce dans un volume nommé champs magnétique ou B, avec une force mesurée en Tesla et dans une direction qui dépend de lignes de forces.
  • Cette force est générée par des aimants.
  • Un fil électrique parcouru par un courant électrique est un aimant et génère un champ B dont la direction, l’intensité et la durée sont modulables.
  • Une particule chargée, si elle est en mouvement, se comporte comme un aimant.
  • Ne faites jamais lire les définitions ci-dessus à un physicien, vous seriez responsable d’une fermeture inopinée de sa session mentale.
Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Explorations et outils diagnostiques