2.4.16

traitements SEP et risque infectieux 2016



Si vous tombez sur ce billet, bravo ! Il est là pour le distribuer dans certaines réunions car son contenu est assez spécialisé. Mais rien ne vous empêche de le lire....

FINGOLIMOD 

Mécanisme d'action : séquestration réversible des lymphocytes dans les ganglions lymphatiques (avec diminution de 20 à 30 du nombre de lymphocytes circulants), en modulant le récepteur de la sphingosine 1 phosphate dont le rôle est de permettre la sortie des lymphocytes hors des organes lymphoïdes.

En théorie de le FINGOLIMOD ne diminue pas les capacités du système immunitaire. Son action dans la SEP est mal compris: en séquestrant les lymphocytes T et B, il empêche leur circulation vers la barrière hémato encéphalique et donc diminue de façon quantitative le nombre de lymphocytes qui la traversent pour aller trouver leur cible myélinique dans le SNC. Par contre, les 15 à 20% de lymphocytes T mémoires qui patrouillent, ne transitent pas par les organes lymphoïdes et ne sont donc pas altérés en quantités par le FINGOLIMOD .

Dans les essais de phase III, le taux d'infections dans les deux groupes était comparable (65%) mais avec une sur représentation des infections bronchiques, pneumo et herpes. En phase IV plusieurs cas de LEMP, VZV, HSV, crytpocoques et infections à mycobacterium atypique ont été rapportée sans pour autant que l'AMM ne soit modifiée.

En pratique, l'EMEA recommande :
  • De ne pas introduire de FINGOLIMOD en cas d'infection active en particulier hépatique et tuberculose 
  • De ne pas poursuivre le FINGOLIMOD en cas de lymphopénie < 0,2 109/l (c'était la limite retenue dans les essais). Par ailleurs, consensuellement, on diminue les dose de moitié en deçà de 0,5. 
  • De vacciner les patients sans immunité prouvée au VZV avec un report de 1 mois entre vaccination et instauration du traitement 
  • De dépister les symptômes clinques évocateurs de méningite à cryptocoques. 
  • De dépister les symptômes cliniques et radiologiques de LEMP chez les sujets JC+ 
  • De prévoir une période de Wash Out lorsque le FINGOLIMOD est prescrit après du DIMETHYL FUMARATE (jusqu'à normalisation de la NFS), du NATALIZUMAB (2 à 3 mois), du TERIFLUNOMIDE (2 ans en l'absence d'élimination forcée, 11 jours dans le cas contraire), et de ne pas prescrire du FINGOLIMOD après de l'ALEMTUZUMAB. Il n'y a par contre aucune précaution à envisager après les interférons. 


NATALIZUMAB

Mécanisme d'action : Anticorps monoclonal - antagoniste des alpha4 intégrines. Il bloque la stabilisation des lymphocytes T lors de leur interactions avec la paroi de la BHE. Ceci diminue leur capacité à la traverser et diminue leur nombre absolu dans le SNC.

En théorie de NATALIZUMAB ne diminue pas les capacités du système immunitaire périphérique.

En pratique on distingue le risque infectieux hors et avec LEMP à virus JC.

Hors LEMP : les études de phase III ont montré une sur représentation des cas d'infections nasopharyngées et urinaires dans le groupe traité. En phase IV, des cas graves d'infections HSV et VZV ont été rapportés, sans entraîner de modification de la RCP.

Concernant la LEMP : il existe un risque spécifique de réactivation du virus JC chez les patients porteurs, dont le mécanisme est inconnu. Ce risque varie en fonction de la durée de traitement, de la prise antérieure d'immunosuppresseurs et de l'index value du virus JC, score breveté dont l'auteur a le monopole, qui estime la quantité d'anticorps sanguin au JC par un ELISA et le compare à une base de donnée de sujets sains.

En fonction de ces trois paramètres, le risque de LEMP varie de moins de 0,1/1000 pour les sujets avec index inférieur à 0,9, traités depuis moins de 12 mois et sans traitement immunosuppresseur antérieur, à 10/1000 pour les sujets avec un index supérieur à 1,5 traités depuis plus de 60 mois. En Europe il a été fixé un cut-off où le traitement est déconseillé quand l'index est supérieur à 1,5 après deux ans de traitement soit un risque de LEMP de presque 1/1000.

En pratique l'EMEA depuis le 26/02/2016 recommande :
  • Une IRM et une sérologie JC avant le début du traitement 
  • Une IRM cérébrale annuelle au minimum 
  • Une IRM avec un protocole simplifié (T2, FLAIR, diffusion) tous les 3 à 6 mois chez les patients à risque 
  • Une IRM avec les mêmes séquences + T1 gadolinium et PL avec recherche de l'ADN du JC par usPCR en cas de suspicion de LEMP 
  • Une serologie JC tous les 6 mois 
Les questions que les neurologues n'ont pas tranché sont :
  • Serait-il pertinent d'isoler les patients JC- des patients JC+ lors des hospitalisations (non selon les infectiologues). 
  • Serait-il pertinent de connaitre le statut JC des personnels soignants s'occupant des patients JC- (non selon les infectiologues). 
  • Que faire chez un patient à haut risque dont les traitements antérieurs ont échoué (toujours en débat). 

ALEMTUZUMAB

Mécanisme d'action : anticorps monoclonal recombinant humanisé anti CD52 présent sur les Lymphocytes T (CD3+) et B (CD19+) ainsi qu'en moindre quantité sur les NK, les monocytes et les macrophages. Il entraîne la lyse cellulaire des cellules circulantes ciblées. L'effet sur la SEP est incompris. L'effet lymphopéniant est maximum un mois après la perfusion. Les lymphocytes B se normalisent en 6 mois environ et le T en 1 an, sans jamais récupérer le niveau antérieur. 80% des patients ont un taux de lymphocyte normal mais dans la limité basse à 1 an. L'ALEMTUZUMAB n'a pas d'effet sur les cellules souches.

Son effet sur le risque infectieux complexe à déterminer.
  • Il peut entraîner des neutropénies, des anémies hémolytiques, et des pan cytopénies (complication rares mais observées pendant les essais de phase III). 
  • De façon générale, 71% des patients sous ALEMTUZUMAB ont eu des infections versus 53% sous interférons (considérés comme sans effet sur le risque). Cependant le sur risque d'infections graves a été de 1,7% par (2,7 versus 1) dont des appendicites, gastro entérites, pneumonie, infections à VZV et infections dentaires. Aucune de ces infections n'a nécessité de soins hors normes et se sont toutes guéries dans les délais attendus. 
  • Dans les infections plus rares, et sans que le lien statistique ne soit clair, il a été noté des cas de tuberculose, d'infection à papilloma (VPH) et de mycose superficielles en particulier vaginales. 
En pratique l'EMEA recommande
  • Un dépistage de la tuberculose, VHB, VHC, VIH, VPH (annuel) 
  • Un sérologie VZV et une vaccination chez les sujets négatifs avec un report du traitement par ALEMTUZUMAB de 6 semaines. 
  • Une prophylaxie par acyclovir 200mg x 2/j pendant une mois après chaque cure 
  • De mettre à jour les vaccins et d'éviter les vaccins vivants atténues. 

DIMETHYL FUMARATE

Mécanisme d'action : très mal compris. c'est activateur de Nrf2 ce qui up régule les gènes codant pour un anti-oxydant. Ceci semble se traduire par une diminution de l'activation des cellules immunitaires et la libération de cytokine pro-inflammatoires. On observe une down régulation TH1 et TH17 et une up régulation TH2. En pratique on observe une baisse de 30% du nombre de lymphocytes.

Dans les études aucun sur risque infectieux n'a été observé mais des cas de LEMP ont été décrits depuis la commercialisation.


TERIFLUNOMIDE

Mécanisme d'action : inhibiteur sélectif et réversible d'une enzyme mitochondriale : la dihydroorotate déshydrogénase nécessaire à la synthèse de novo de pyrimidines. Ceci a pour effet de limiter la division cellulaire lorsque celle-ci fait appel à la pyrimidines, ce qui serait le cas lors de l'expansion clonale des lymphocytes. Le mécanisme d'action exact n'est pas compris. En pratique on observe une diminution du nombre de lymphocyte d'environ 0,3.109/l.

Dans les études de phase III, aucune risque infectieux particulier n'est apparu versus placebo.

Dans les études, le TERIFLUNOMIDE n'a aucun effet sur l'efficacité ou la réponse vaccinale. Cependant les vaccins vivants sont contre indiqués.

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
La SEP et les syndromes apparentés

et dans la collection
Pharmacologie et thérapeutique